Dans les Himalayas, un beau matin d’été,
On fit chez les yétis un concours de beauté.
Comme le favori semblait fort acceptable,
Il fut élu d’entre eux le moins abominable.
C’était une élection se voulant bon enfant,
Mais le vainqueur la prit comme un
outrecuidant :
« Il me reste à pousser jusqu’au bout la
logique
De ce brillant succès basé sur l’esthétique. »
Se dit-il, convaincu qu’en tant que lauréat
Il devait à présent suivre un apostolat ;
Comme une vocation, une mission nouvelle,
De faire des enfants chez la yéti femelle.
Il croyait volontiers que les vertus du sang
Changeraient son espèce en yéti ravissant :
« Je vais me sacrifier pour leur donner
ma grâce,
En vidant mes roustons au profit de la race.
Je dois mettre au pouvoir ma popularité
En laissant mon empreinte à la
postérité. » (1)
Disait-il haut et fort en face de la glace
Qui l’assurait toujours de sa première place.
Si sur chaque femelle il fit bien des enfants,
Il en fit dans le dos à tous leurs soupirants,
En opposant son titre au désir légitime
Qu’ils avaient de vouloir retrouver leur
intime.
À ceux disant tout haut : « Mort
à l’hurluberlu ! »
Il répondait tout bas : « Je ne suis
qu’un élu. »
Il fut bientôt le seul à faire sa louange,
Car il est naturel que tout cocu se
venge :
Un groupe de chasseurs qui traînait dans le
coin
Pour en capturer un fut aperçu de loin.
Peu soucieux d’étaler ses vertus courageuses
Qui le distinguait tant de ces faces miteuses,
Il envoya plutôt un sbire les sonder
Qui dit que les chasseurs le traitaient de
pédé.
Mettre en doute ses mœurs ainsi que son
courage
Le condamnait alors à réparer l’outrage.
Il plongea derechef dans les pièges vachards ;
L’un fait par les chasseurs, l’autre par les
cornards.
Doit-il toujours aller au bout de son mandat
Celui que l’on croyait être un bon
candidat ?
(1) Ce monstre abominable est toujours hors
d’atteinte,
Mais va de temps en temps de sa petite
empreinte.
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