L'athlète wapiti



Comment peut-on rêver devenir un athlète
Quand on n’a comme atout que d’être forte tête ?
Telle était la question que se posait souvent
Le fils d’un wapiti qui trouvait aggravant
Le fait que son papa n’ait pas de bicyclette
Pour remporter le prix du meilleur triathlète.
« Ne t’en fais pas, fiston, disait son géniteur.
En tout ce que je fais, j’ai l’âme d’un sprinteur.
Dénicher un vélo ne pose pas problème
Autant que je suis sûr de battre le deuxième. »
Cette belle assurance eut pourtant son revers
Le jour où le faraud, par un effet pervers,
Enchevêtra les bois de sa corne splendide,
Le nez dans le guidon de son nouveau bolide.
Il est vain de narrer les efforts du petit
Pour démêler les bois du père wapiti
Qui avait, malgré tout, de son âme têtue,
Gardé son sentiment de puissance absolue :
« Démonte le guidon. Laisse-le dans mes bois.
Il ne gênera plus pour la prochaine fois.
On va pas s’embêter avec la mécanique
Quand on est un prodige en matière physique ! »
Son fils se demandait si cette exclamation
Tenait de l’optimisme ou de l’émulation,
Tout en reconnaissant qu’il n’avait d’héritage
Sur ce tempérament épais comme un blindage.
Au jour dit de l’épreuve, un beau jour de printemps,
Ces fameux bois caducs qui tombent tous les ans
Avaient rendu au père un air de triathlète,
Délivré du guidon qui pendait sur sa tête.
Pour l’avoir supporté dans sa préparation,
En être libéré fut sa bénédiction.
Il remporta le prix pour lequel sa confiance
Ne voulut partager avec son coup de chance.


Déceler le hasard en toutes circonstances
Devrait être la loi de toutes les consciences.

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