Le ver à pied






Sur un chemin un ver, à pied se promenant,
Allait au gré de l’air de son pas ondulant.
Il croise un escargot, un géant de Bourgogne,
Qui toise avec dédain ce lombric sans vergogne.
« Ainsi, jeune vaurien, vous vous promenez nu !
Exhiber son séant m’apparaît malvenu.
Ne manqueriez-vous pas de quelque convenance
Pour se moquer du monde avec tant d’insolence ? »
Le ver, qui n’aime pas se faire asticoter,
Se moque du fâcheux qui vient l’admonester.
« Devant tant de mépris, dit le gastéropode,
Tout autre s’en irait ; ce n’est pas ma méthode.
Nous sommes des cousins, mais nous sommes amis.
Or, ce comportement ne vous est pas permis :
Avouez, pour le moins, que c’est un trait sauvage
De ne porter ni slip, ni culotte ou lainage.
Comme la correction est à la dignité,
Ma coquille est le sceau de ma civilité :
Elle me fait d’habit et de maison office ;
On l’envie on l’admire, et ce n’est que justice.
Je ne sais quel idiot a vanté ma lenteur
Vu que je porte à dos ce poids, cette lourdeur.
Mais quelle sûreté lorsqu’en cas d’accrochage
Je rentre dans mon nid pour plier mon bagage.
Tandis que vous, sans rien, êtes à l’avenant
L’objet de tout péril et de tout châtiment. »
« Adieu. » lui dit le ver qui devant ce Narcisse
Ne veut plus être oreille attentive et complice.
« Je n’ai pas terminé ! s’étouffe l’escargot.
Vous êtes moins courtois qu’un horrible Ostrogot !»
« Je me dois en aller messire coquillage ;
Il me vient à l’esprit que j’adore la plage.
Par nature, d’habit, n’ayant pas obtenu,
J’irai faire trempette à poil et le cul nu. »
Et le ver de quitter ce géant de Bourgogne
Qui se met sous le coup d’une terrible rogne,
Et dont l’indignation lui fait dire en bavant :
« Au bout d’un hameçon, votre bain, chenapan !
Que le Dieu tout-puissant écoute ma prière
Condamnant le faquin qui montre son derrière ! »
N’aimant pas le sophiste et le prédicateur,
Le ver se retourna, le sourire moqueur.
« Le ver à l’hameçon ! Voilà bonne boutade
Venue d’un escargot qu’on met en persillade ! »



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