Sus au scorpion !



Un scorpion qui faisait sa balade pépère
Rencontra par hasard une belle vipère.
Une tierce bestiole occupait le chemin,
Et fut le différend des cracheurs de venin
Qui, se sentant bien aise à fondre sur leur proie,
S’en furent tous les deux s’en donner à cœur joie.
Si le combat fut bref, il fut aussi fâcheux,
Car chacun se mordit sur son bout venimeux.
« Tu m’as mordu la queue et j’ai piqué ta langue ! »
S’exclame le scorpion, avec la tête exsangue.
Car chacun sent l’effet du poison du voisin,
Et craint fort de périr sans sérum ou vaccin.
« Tu m’as piqué la langue et j’ai mordu ta queue !
Rétorque le serpent, tremblant d’une peur bleue.
Ô ! Funeste façon de s’en aller mourir !
Nous devons nous sucer pour pouvoir s’en sortir. (1) »
« De me faire sucer n’est pas pour me déplaire,
Mais je ne suce pas les langues de vipère. »
Ronchonne le scorpion, semblant peu disposé
En roulant une pelle à se faire baiser.
« Allons ! Donnant-donnant. C’est ta vie et la mienne.
Ne comprends-tu vraiment qu’à ce fil elle tienne ? »
Hoquette la vipère avec dans le regard
L’expression d’un cadavre au fond du corbillard,
Alors que le scorpion s’imagine le pire :
« Si ma mère l’apprend, que devrais-je lui dire ? »
Dit-il à haute voix, en se trouvant pâlot
Au seul fait de devoir lui rouler un pallot.
Tandis que la vipère absorbe ses toxiques,
Il lui trouve soudain des vertus érotiques.
C’est la première fois qu’en son siège caudal
On lui fait un suçon d’un chaud baiser lingual ;
C’est peut-être honteux, mais pas désagréable.
Il veut bien en retour se montrer charitable,
Et rouler cette pelle à ce maudit serpent
Qui lui suce la queue avec tant d’engouement.
« Voilà, c’est terminé ! lui souffle la vipère
Qui ne sait le régal qu’elle vient de lui faire.
Approche-toi de moi pour me pomper le dard,
Et sers-toi de ta langue en guise de buvard. »
À ces mots, le scorpion s’empare de sa bouche
Et l’étreint d’un baiser d’une langueur farouche.
En pinçant l’un pour l’autre et suçant tour à tour,
Ils vécurent ensuite une histoire d’amour.

(1) Ne le faites jamais, ce n’est qu’une croyance,
Qui vous pousse à finir à deux dans l’ambulance.

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