Le serpent transformiste




Tout a commencé par ce mot fort étonnant
Que prononça un fou en face d’un serpent :
« Il est temps désormais que je change de peau
Sans m’aliéner de tout ce qui fait mon ego. »
Avait clamé l’oiseau, le regard dans le vague,
Et l’air désabusé de celui qui s’en cague.
Ce serpent qui n’avait, à l’heure où je vous cause,
Jamais été enclin à la métamorphose
Jugerait que ce mot, bien des années plus tard,
L’avait précipité dans sa vie d’avatar. (1)
Il multiplia donc sa personnalité,
Au gré de ses humeurs, changeantes et variées,
Mais il mua aussi au gré d’un aléa
Que l’on subit d’autant qu’on ne le dompte pas.
Si bien qu’aucun jamais ne sut bien le comprendre
Ou même encore pis, de par quel bout le prendre. (2)
Or un jour il croisa une femme et un homme,
Et la femme hésitait à croquer une pomme.
Le serpent qui était en phase de sagesse
Résolut que plutôt s’occuper de ses fesses
Il irait avertir le sujet féminin
Qu’en croquant de ce fruit elle aurait des pépins.
Mais à ce moment là, et Dieu seul sait pourquoi,
Le serpent se mua pour la énième fois
En nouvel avatar qui endossa la peau
D’un crapuleux sournois, d’un sacré saligaud,
Et vint se présenter à côté de la femme,
Lui tenant des propos qui touchaient à l’infâme ;
Mots dont je n’oserais ici vous répéter
Bien que le catéchisme en ait fait le métier.
Vous raconter la suite est-il bien nécessaire,
Alors qu’au paradis on commence à s’en faire ?

Qu’est-ce le bien, le mal, l’enfer, le paradis ?
C’est nous-même ici bas en un moment précis.

(1) Comme l’homme péteux appelé Don Diego
Profite de la nuit pour devenir Zorro.

(2) Par la tête c’est mieux, au niveau des épaules,
Sinon par les genoux on en perd le contrôle.

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