« Un
mataf du dimanche ! Un pauvre plaisancier !
Ne s’appelle
marin qui n’est pas cap-hornier !
Moi qui vous
cause là, j’en ai vu des tempêtes.
J’ai sué
sang et eau pour faire sa conquête.
Avoir frôlé
la mort et bravé ses dangers,
Vous donne
le devoir de me considérer ! »
Déclarait un
rouget, au fond d’une calanque,
À un brave
public de joueurs de pétanque
Qui le
considérait avec la compassion
Qu’on a pour
ceux sujets à l’exagération,
Et qui ne
manquait pas de rembourrer le crâne
De ce rouget
de roche aux relents mythomanes.
« Raconte-nous
plutôt tes exploits australiens,
Lorsque tu
renversas un cargo sur un train ! »
Demanda une
voix au milieu de la foule,
Suivie d’un
long silence agité par la houle.
« Ah !
Ce maudit cargo ! » commença le rouget,
Ne se
souvenant pas quel était ce couplet
Qu’il avait
dû chanter devant cet auditoire,
Mais qui ne
revenait au fond de sa mémoire.
« C’était
un bananier battant pavillon grec.
On ne
comprenait rien à leurs salamalecs... »
Hésita t-il
encore, en cherchant la méthode
Lui donnant
l’occasion de finir l’épisode.
« Comme
tout vendredi, c’était le jour de nous.
Ils me
prirent au vif dès le trentième coup.
Je me
démenais tant sur le pont du navire
Qu’il prit
la position du bateau qui chavire...
Mais à ce
moment-là, faute à ces australiens
Qui se
mettent en grève au moindre petit rien,
Et qu’ainsi
ce jour-là, n’ayant d’hélicoptère,
Ils avaient
mis un train près de l’embarcadère :
« En
voilà un démon ! » hurla le chef de bord ;
Et bananes
et gars fusèrent à tribord,
Si bien que
le cargo tomba sur cette rame
Pour avoir
redouté le rouget de ces dames ! »
On applaudit
bien fort à l’inventivité
De ce rouget
hâbleur, menteur invétéré.
Un défaut
est charmant s’il est bien perpétré.
On peut même
le voir comme une qualité.
(1) Cette
fable est de moi, et ce n’est qu’une histoire,
Une pure
fiction de mon aléatoire,
Et toute
ressemblance avec quelque rouget
Serait due
au hasard ou un de ses reflets.
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