Le fouet du rottweiller






Issu de l’Allemagne où sévit un führer
Le chien qui fait fureur se nomme rottweiller.
Il vit dans des cités où son maître débile
S’endort par peu d’esprit la conscience tranquille ;
Heureux de détenir en son appartement
Ce qui lui fait défaut comme tempérament ;
Certain que ce mâtin, à l’allure molosse,
Fera fuir l’importun de sa grogne féroce.
Et voilà que la nuit s’étend sur les cités,
Où quelques aboiements calment des empotés.
Un de ces rottweillers qui vivait en otage
Entre une laisse raide et son deuxième étage
Ne devait son bonheur qu’aux fugaces instants
Où venait l’écureuil des pins avoisinants.
Le rongeur dit un jour à ce chien de banlieue :
« Quelle est donc ta fierté ? La mienne c’est ma queue. »
L’autre ne pipa mot ; il n’était fier de rien.
Sa queue était petite, et il le savait bien.
« Ma fierté, pensa-t-il, c’est celle de mon maître :
Orgueilleux de m’avoir, de me faire paraître.
Nous étions des bouviers, fiers de notre labeur,
Et je suis devenu le toutou d’un frimeur. »
L’écureuil, poursuivant, rapportait au cerbère
Les cris de ses enfants et la joie de leur mère,
Les parcours délicieux que l’on faisait aux bois,
Le goût d’une noisette ou l’odeur d’une noix,
Et le chant des oiseaux qui vous chavire l’âme,
Tant on sait qu’en son chœur c’est l’amour qu’il acclame.
Le pauvre rottweiler qui retenait ses pleurs
Savait que s’il fallait comparer leurs bonheurs
Quiconque un peu moqueur prendrait comme critère
La queue de l’écureuil et le fouet du cerbère.

(1) Nom de la queue d’un chien, ou touffe de son poil.
Ce mot à double face arrive pile-poil.

(2) C’est un ancien bouvier qui, cause de chômage,
A dû se recycler dans un autre dressage.

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