Des taupes à tâtons, infirmes du regard,
Voulurent s’amuser au jeu
colin-maillard ;
Sauf une évidemment, jouant les fortes têtes,
Qui disait avoir peur de casser ses lunettes.
« Viens voir ! la tança-t-on. Ne
reste pas au coin. »
« C’est tout vu ! brailla-t-elle.
(1) Et je n’y jouerai point ! »
Elle partit bouder, comme toute orgueilleuse,
Et se mit à chialer, comme toute chieuse.
Ses sœurs ne faisant cas de ce comportement
Débutèrent sitôt leur divertissement.
Il fallait être là pour les entendre rire,
Les voir se ramasser, sans aucun point de
mire,
Ou les voir s’attraper, et, d’un air folichon,
Crier : « Qui êtes vous, madame
cornichon ? »
Et pendant que ses sœurs baignaient dans la
furie
La taupe restait seule avec sa fâcherie.
Avec sa courte vue et sa mauvaise humeur,
Elle laissait passer sa tranche de bonheur.
Elle s’entêta donc, avec l’espoir bien ferme
Qu’une des soeurs viendrait pour mettre enfin
un terme
À cette vexation qui, c’est bien à savoir,
Lui donnait l’occasion d’aller se faire voir.
Alors qu’elle baignait dans cette humeur
altière,
Survinrent tout à coup, venues de par
derrière,
Deux pattes se posant devant son capuchon,
Criant : « Qui êtes vous,
madame cornichon ? »
« C’est moi ! répondit-elle, en se
faisant mielleuse.
Mais toi, qui donc es-tu, de ta voix
mystérieuse ? »
« Tu dois le deviner, trompeta le renard.
C’est la règle du jeu pour le
colin-maillard. »
« Je ne vois pas qui c’est ! »
lui fredonna la taupe,
Heureuse de jouer, alors qu’elle était myope.
« Tant pis, dit le renard. Il n’est point
de rachat.
Il te faut désormais donner ta langue au
chat. »
« D’accord, répondit-elle. Alors, que
dois-je faire ? »
« Ferme bien fort les yeux, et couche-toi
par terre ! »
« Ç’aurait été meilleur avec des
champignons ! »
S’écria le renard en crachant ses lorgnons.
Arrêtons de penser qu’un tout petit détail
Peut nous différencier du reste du sérail.
La force de l’humain c’est l’unité sociale,
Et cette cohésion nous est à tous vitale.
(1) Si la taupe le peut, c’est un exploit de
taille :
Car lire avec ses doigts, c’est ainsi que l’on
braille.
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