Tronche de poulpe



Un brave petit poulpe avait le cœur en liesse,
Depuis que ses parents lui avaient fait promesse
D’un jour décompresser des profondes crevasses,
Pour aller visiter les eaux de la surface.
Il savourait sa joie, en se faisant délices
D’échapper pour un jour à ces sombres abysses,
Et tannait chaque jour un peu plus ses parents :
Deux pieuvres au gabarit plutôt impressionnant.
« C’est donc pour aujourd’hui, ou c’est donc pour demain ? »
N’avait-il à la bouche comme unique refrain.
Alors que ses deux vieux levaient leurs tentacules
Pour enfin faire taire cette tête de mule.
Le poulpe s’obstina et se montra tenace,
Si bien qu’ils se rendirent à la grande surface.
« Nous ne sommes plus loin. » dit le père, ténébreux,
Au vu des sacs plastiques de plus en plus nombreux.
« Je veux sortir de l’eau. Connaître le rivage.
Je bave des ventouses en pensant aux sauvages ! »
S’écrie le petit poulpe, qui tient pour excitante
L’idée de voir enfin un film d’épouvante.
« Ne le laissons pas seul, fait la mère suppliante.
La tête de ces hommes doit être effrayante. »
La station balnéaire sur laquelle ils échurent
N’était pas préparée à ce cas de figure.
En découvrant ces pieuvres, goulues de Nautilus,
L’ensemble des baigneurs s’entrouvrit de l’anus.
De leur côté, les pieuvres furent autant horrifiées
De voir sur cette Terre les foules déchaînées.
Cet agglutinement, mû de haine féroce,
Leur changeait carrément du silence des fosses.
Elles s’en retournèrent dans les fonds maritimes,
En laissant l’homme vivre juste au bord de l’abîme.
Cet endroit que le poulpe avait tant convoité,
Cette grande surface de la curiosité,
N’était au bout du compte qu’un spectacle d’horreur
Qui n’avait rien à voir avec la profondeur.


Nous sommes tous au fond des monstres qui s’ignorent.
Et la pieuvre par 9, c’est cette métaphore.

Commentaires