S’il est des poissons là qui n’ont pas de
soucis,
Ce n’était pas le cas, parlant du
poisson-ci ;
Un tour de l’océan dans le compagnonnage
L’avait spécialisé dans l’art du découpage,
Et le pacha d’un grand cimetière marin,
(Un marlin mesurant un mètre quatre-vingt)
Désirait engager et son art et sa scie
Pour débiter en tas des charpentes pourries.
« Voilà qui représente un tas de
va-et-vient (1) !»
Note le poisson-scie en estimant combien
De vaillants apprentis lui seront nécessaires
Pour tronçonner ce bois et l’arranger en
stères.
« Tu choisis ton équipe ! entonne le
patron.
Ramène vite ici cinq ou six bûcherons. »
Le poisson-scie partit en quête de main-d'œuvre,
Sachant où débusquer quatre premiers
manœuvres,
Et comptant sur la chance ou l’humeur du
hasard
Afin de dénicher les deux derniers lascars.
Or, malheureusement, comme annonce l’histoire,
C’est en cherchant ceux-ci qu’il trouva ses
déboires :
Alors qu’il n’était pas encor sorti du bois,
Une anguille sous roche avec un thon sournois
Dirent qu’ils seraient six, et que six
poissons-scies
Formaient un ramassis qui fort mal s’associe.
« Il vaut mieux t’allier à deux
requins-marteaux ! »
Lui décréta l’anguille en lui tournant le dos.
Chacun sait que l’esprit n’est pas
imperméable,
Et qu’il retient parfois des idées
lamentables ;
C’est donc dans cet état, dans cet état
d’esprit,
Que notre poisson-là, que notre poisson-ci,
S’en alla sur la route, invoquant la justice,
À savoir : quel poisson serait le plus
propice ?
La réponse étant vaine il dut bien s’avouer
Qu’il était plus habile à scier qu’à trancher.
Il s’en revint auprès de son commanditaire,
Afin d’être payé pour ce qu’il savait faire.
Protégez une idée en la tenant pour vôtre,
Mais ne l’embrouillez pas avec celle des
autres.
(1) Ceux qui sont familiers de la scie égoïne
Savent les mouvements qu’exige la frangine.
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