Un banc de maquereaux en complète odyssée
S’arrête tout à coup, ne sachant où aller.
« Il faut chercher nos proies en toute
cohésion.
Le tout c’est de trouver la bonne
direction. »
Dit à ses congénères, d’un ton de commandant,
Un bon gros maquereau d’écaille vif-argent.
Et un de dire sud, un autre veut le nord,
Puis entre l’est et l’ouest, personne n’est
d’accord.
« Suffit ! dit vif-argent. Il faut
élire un roi.
Et pour vous dire tout, je m’y verrais bien
moi. »
Mais, s’approchant de lui, un maquereau
blafard
Fait remarquer à tous qu’on n’élit pas
César :
« Il ne faut pas confondre un roi, un
président.
Le second est élu démocratiquement.
Si tu es candidat, je suis ton adversaire.
Laissons donc nos amis départager
l’affaire. »
« Qu’ai-je à faire de suffrages ?
s’emporte vif-argent.
D’un seul coup de ma queue je te mets sur le
flanc ! »
« Tu es de ceux qui croient que seule la
colère
Puisse leur prévaloir d’avoir du
caractère. »
Rétorque le blafard, pas le moins timoré
Devant le vif-argent, changeant vite
d’idée :
« Après tout la nature n’est-elle
libérale ?
Je veux bien essayer l’arène
électorale ! »
S’exclame-t-il gaiement, avec ce faux sourire
De tous les candidats voulant se faire élire.
On prépare une estrade où les deux prétendants
Exposent leur programme, en tribuns
différents. (1)
Vif-argent, verbe haut, mise sur sa prestance
Le blafard, quant à lui, sur son intelligence.
Dans la foule on débat, on voudrait bien
comprendre :
« Qui donc sera élu ? Je ne suis pas
Cassandre ! »
Répond un maquereau à un pauvre balourd
Qui n’a pas entendu parce qu’il est un peu
sourd.
Auprès des maquerelles vif-argent fait succès,
Et parmi les plus simples, il semble
l’emporter.
Tandis que dans le lot qui écoute blafard
Le public est moins sot ou un peu moins
tocard.
C’est enfin la dépouille de ce premier scrutin,
Où l’on voit vif-argent l’emporter haut la
main.
Le banc partit au sud, en suivant le plus fort ;
Comme quoi, lorsqu’on vote, on peut perdre le
nord.
(1) Voici que le macro s’approche du micro
Pour jouer Cicéron devant le populo.
Commentaires
Enregistrer un commentaire