Le putois et la rose



Rôdant autour du parc d’un château déclassé,
Un putois distingua son jardin délaissé,
Mais découvrit alors que dans ce sanctuaire,
Une rose en était la seule locataire.
Il s’approche en curieux, pour humer cette odeur
Dont on dit, des parfums, être la fine fleur.
« Attends ! lance la rose au putois qui s’avance.
Voudrais-tu, s’il te plait, te tenir à distance ?
Je crains fort ne pouvoir soutenir ton relent (1)
Ni devoir mériter un pareil châtiment.
Mon calice flétrit lorsqu’il se manifeste !
Je ne peux te sentir tellement il empeste. »
Le putois se retire et file prendre un bain,
Pour prouver qu’il possède un caractère urbain.
« Allons voir si la rose accorde un avantage
À ceux qui font l’effort de laver son outrage. »
Se dit-il, en pensant que la fleur de l’amour
N’a pas eu l’attention de lui dire bonjour.
Il se présente donc et demande une audience,
Afin de découvrir cette bonne fragrance
Que l’on trouve en flacon dans les salons de soins
Et désodorisant dans celui des besoins.
Or, la fleur lui répond, en tout état de cause,
Que ne s’approche pas qui ne sent pas la rose.
« Ne pas sentir la rose... Oh ! Ça, c’est le bouquet ! »
Dit le putois voulant lui rabattre caquet.
« Tu dois te sentir mal d’avoir fait référence
À cette émanation qui fait ma différence ! »
« Qu’ai-je besoin de blair pour disposer de flair ?
Lui rétorque la fleur pour recroiser le fer.
Nos arômes, vois-tu, sont trop incompatibles :
Les tiens nauséabonds, les miens irrésistibles.
Ne peux-tu t’asperger d’un désodorisant ? »
Le putois réfléchit, soupèse l’argument.
« Or donc si je pue, toi (2) tu sentirais la rose,
Et tu m’en fais grief car cela t’indispose.
Si tu ne me tiens pas en sainteté d’odeur, (3)
Que me fera l’effet d’un vaporisateur ? »
« En ce monde, vois-tu, tout doit être conforme,
Et dans ces conditions, tout doit être uniforme. »
« Laisse-moi de côté puer tout mon content !
Rétorque le putois sur un ton méprisant.
Je laisse à qui le veut se fondre dans un moule
Pour être un anonyme au milieu de la foule. »


Pour défendre à tout prix la globalisation,
Il faut croire à tout prix être l’échantillon.

(1) Fragrances dont on sait que le pauvre putois
Supporte un discrédit comme on porte sa croix.

(2) J’ai bien voulu jouer la carte de finesse,
Mais je n’ai pas fait fort dans la délicatesse.

(3) Avec ce jeu de mots, dernier de la série,
J’ai fait des droits d’odeur toute la batterie.

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