Un pigeon voyageur, courrier transatlantique,
Racontait volontiers ses exploits héroïques
De trajets antipodes vers les pays lointains,
Couvrant l’intégrité du sol américain.
« J’ai beaucoup voyagé, et ce, toute ma
vie.
Et je pense n’avoir raté aucun
pays ! »
Aimait-il rappeler à ceux de ses semblables
Qui voyaient donc en lui un pigeon vénérable.
Mais lorsqu’on demandait de fournir des
détails,
Il prétextait soudain qu’il avait du travail,
Une lettre à livrer ou bien un pli urgent :
« Princes de mes amis, le roi c’est le
client ! »
Disait-il à l’entour à ces pauvres pigeons
Qui, dans le cas présent, portaient fort bien
leur nom.
On le plaignait alors d’un si rude métier,
Ne pouvant s’empêcher pourtant de l’envier,
Et l’on se répétait le nom des capitales
Que les rêves portaient en haut d’un
piédestal.
Puis, ce podium de gloire une fois installé,
On en mettait l’auteur juste en bas, à ses
pieds.
Si bien que le pigeon, voyageur de commerce,
Ne pouvait redouter aucune controverse.
Or, il advint un jour que, parmi son public,
Se présenta une oie qui venait d’Amérique.
Elle faisait trajet en oiseau migrateur,
Et non pas comme l’autre, seulement en
facteur,
Qui, son pli expédié, s’en retournait bien
vite,
Rentrant à tire d’ailes sans faire de visite.
Donc, cette oie écouta le pigeon ânonner
La litanie d’états qu’il avait survolés,
Et le pria ensuite, en jouant l’ahurie,
De donner son avis sur leur niveau de vie.
Le pigeon fut gêné, mais n’osa se soustraire
Et fit pour l’occasion ses premiers
commentaires,
Mais las, à la stupeur de cette oie en
goguette,
Ces premiers commentaires, c’étaient ceux des
gazettes !
Évitant de la sorte que l’oie le contredise
Surtout que du canard il rendait l’analyse.
« Je ne peux me targuer d’une telle sagesse,
Dit-elle à ce facteur qui récitait la presse.
Ton avis est précieux et tu dois le donner
Pour tous ceux des pays que tu as
visités. »
L’assemblée des ramiers roucoula de plaisir
Devant cet argument qui comblait ses désirs,
Et se mit à poser de nombreuses questions ;
Asséchant aussi sec sa soif d’information.
Et le facteur devint le journal ambulant,
Répétant le canard à tous ces ignorants. (1)
C’est beau d’aller bien loin, mais c’est loin
d’être beau,
Et c’est loin d’aller bien, qu’en faire bien
le beau.
(1) Avoir des opinions, mais pas de
connaissance,
Vous fera des amis de peu de conséquences.
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