Le petit poisson rouge

Un petit poisson rouge, au fond d’un aquarium,

S’était fait adopter par un petit bonhomme :

Un tendre garnement qui possédait déjà

Un chien et un hamster, un oiseau et un chat.

Et le petit poisson, dernier de cette liste,

Pensait que de ces clowns il était le plus triste.

Il surveillait chacun de sa prison de verre :

La cage de l’oiseau, et celle du hamster,

Médor et Rominet, qui faisaient bon ménage,

Mais qui se morfondaient dans ce troisième étage.

Il semblait fort qu’ici, pour en être privé,

On faisait la nature entrer par l’escalier.

Dans le coin du salon, un renard empaillé,

Le portrait d’un lapin qu’on devait regretter,

Ajoutaient au concert qu’on donnait en parure

Pour se montrer sincère ami de la nature.

De même que ces mots, dits au petit garçon,

Comme s’il eût fallu lui faire la leçon :

« Ne fais pas couler l’eau, pas de tour en voiture ;

N’abuse des lumières, et classe les ordures.

C’est pour le bien de tous que l’on doit se priver ;

Pour laisser au prochain un peu de liberté. »

Tout était si bien dit, d’un si parfait écho,

Qu’à bien y écouter, cela résonnait faux.

Et le petit garçon, à chaque jour passant,

Regardait le poisson un peu différemment.

Que penser de ces gens, de leurs inconséquences,

Alors qu’ils agissaient en suivant leur conscience ?

Ne prêchaient-ils le vrai que pour faire le faux ?

Épris d’écologie, et maîtres d’un zoo !

Le petit poisson rouge au fond de l’aquarium,

Rêvait des libertés que lui devaient ces hommes.