Le dimanche matin, bien avant l’angélus,
Bien avant le départ des premiers trolleybus,
Alors que la poubelle entame sa tournée,
Et que le pain se dore à la bonne fournée,
La place du marché s’anime en grelottant
Pour redonner leur lustre à des valeurs
d’antan.
Le charme désuet de ces objets antiques
Fait chavirer le cœur des chineurs romantiques
Qui jouent les connaisseurs, et qui parfois le
sont,
Mais qui viennent toujours pour le même
frisson.
On découvre au milieu de ce marché aux puces
Des tableaux sans valeur ou des icônes russes,
Quelques meubles d’époque, aux yeux de leur
vendeur,
Mais qui ne le sont pas à ceux de
l’acheteur ;
D’authentiques trésors côtoyant la broutille,
Du rare et du précieux devant la pacotille,
Des pièces de cinq sous qui n’en valent pas
plus,
Des parchemins scellés ou des faux papyrus,
Un sabre qu’on vous dit sorti de l’oubliette
Sur lequel on n’a pas retiré l’étiquette,
Un vieux disque introuvable et cher à votre
cœur
Soldé par un marchand qui vous fait une fleur.
Et l’odeur des greniers où le passé sommeille,
Des livres qui, moisis, ne sont pas nés la
veille,
Se mêlent au fumet d’un pâté saucisson
Qu’on sert au casse-croûte avec un sauvignon.
Plus loin, sur un trottoir, un gosse à la
sauvette
Qui recompte trois fois sa piteuse recette
Remballe son étal en voyant le placier
Que l’on pourrait confondre avec un policier,
Tandis qu’au fond d’un stand, on chuchote, on
marchande,
Car plus on parle bas, et plus la somme est
grande.
Les puces sont un monde où l’on vient
s’enrichir,
Certains d’un peu d’argent, d’autres du
souvenir
Qu’un objet fait surgir du fond de la mémoire,
Et qu’on prend par plaisir de reprendre
l’histoire.
(1) J’ai pris pour cette fable un peu de
liberté,
Les puces s’y trouvant en virtualité.
Commentaires
Enregistrer un commentaire