Le facteur pic-vert



Avec son béret rouge et sa moustache noire,
C’est madame pic-vert, sur un ton péremptoire,
Qui traitait son mari de courge et de crétin (1)
Pour revenir au nid sans avoir de butin.
« J’ai pourtant fait toc-toc pour qu’une larve sorte,
Mais rien n’est apparu sur le pas de la porte.
Ils doivent se méfier de mon pic tapageur ;
Demain, d’un coup léger, je dis : C’est le facteur ! »
«  Alors tu ferais mieux de porter un costume
Pour que les vermisseaux ne remarquent ta plume.
Il te faut dégoter la tenue du postier :
La casquette, et le sac pour mettre le courrier ! »
Or, madame pic-vert, retenant son fou rire,
Sait bien que chez les vers personne ne sait lire,
Et que parmi ceux-ci, pour comble de malheur,
Aucun n’a le savoir de ce qu’est un facteur.
Et madame pic-vert se fend la pipe en douce,
À l’idée d’un facteur sorti de sa cambrousse.
Son fou rire, pourtant, ne peut se retenir
Lorsque le lendemain son mari doit partir.
Il porte les habits de ces facteurs champêtres
Qui ne cadrent en rien avec les gens de lettres ;
Il est, de plus, si fier de son déguisement
Que dans son ridicule il est presque touchant.
« Et tant pis si ce soir c’est encore régime. »
Pense-t-elle en lourdant cet époux légitime
Qui ne trompe personne et ne peut abuser
Aucun ver en portant l’habit de préposé.
Et pourtant ce nigaud, cette tête de pioche,
Ce mari peu doué pour remplir sa brioche,
S’en revient à midi, contre son pronostic,
Avec un tas de vers qui tombent donc à pic.
« Comment diable a-t-il pu ? » s’étrangle la baronne.
Oui. Comment a-t-il pu, c’est ce qui la chiffonne,
Ramener tant de vers dans un déguisement
Qui n’avait de vertu qu’à le rendre marrant ?
Pour avoir trop rêvé de lui faire la nique
Elle ne sait quoi dire avant qu’il ne s’explique.
« Les vers sont comme toi. dit-il d’un ton gracieux.
Pour me voir en facteur, ils ont été curieux ! »


On a tous en commun cette curiosité
Qui reflète souvent notre stupidité.

(1) Il me faut profiter de cette courte émeute,
Pour signaler ici que le pic-vert pleupeute.

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