Le dernier des mammouths

Le dernier des mammouths cherchait un coin tranquille,

Pour s’en aller finir une vie difficile,

Et pouvoir s’effacer le plus paisiblement :

Ultime volonté d’un dernier testament.

Or, à l’orée du bois, il tombe face à face

Avec un léopard, le dernier de sa race.

« N’avance pas plus loin ! dit l’autre de ces lieux.

Tout l’air s’est atrophié dans leurs dépôts vicieux.

Dans ce coin de forêt, il ne reste personne

Survivant aux effets d’émission de carbone. »

Le dernier des mammouths, pas troublé pour autant,

Fit alors demi-tour de son pas de géant

Afin de se soustraire à ce fâcheux domaine

Qu’on mettrai désormais bien plus qu’en quarantaine.

Alors que de ce pas il quittait cet endroit,

Apparaît un toucan qui lui parle tout droit

D’effets de sécheresse et de grands incendies,

De flammes et de feux et d’autres tragédies.

Le dernier des mammouths, pas troublé pour autant,

Fit alors quart de tour de son pas de géant,

Pour aller rechercher cet endroit bien tranquille

Où pouvoir terminer cette vie difficile

Qui l’avait vu survivre aux grandes extinctions,

Aussi bien qu’à la chasse et ses expéditions.

Alors que de ce pas il s’en allait bredouille,

Il rencontre en chemin la dernière grenouille :

« Les eaux de cette mare ont leur nocivité,

Et n’ont d’eau que le nom, vu leur malpropreté ! »

Halète la grenouille en le mettant en garde

Que si peu que l’on boive apparaît la Camarde.

Le dernier des mammouths, pas troublé pour autant,

Fit alors demi-tour de son pas de géant,

Cherchant au bout du bois sa dernière demeure

Où pouvoir reposer après sa dernière heure.

Mais dans ce coin de bois auquel il mit le pas,

Une salve de feu lui servit son trépas.

Chassé des quatre coins de son dernier repère,

Le dernier des mammouths n’eut pas de cimetière :

« Enfin ! entendit-on. Il s’est manifesté.

C’est le dernier des bois que l’on peut dévaster. »

Dernières volontés n’auront de garanties

Que si votre dauphin ne les a perverties.