Un superbe lapin fut un jour invité
Aux noces des Garennes qui donnaient un
banquet.
Il s’enfile un smoking de lapin angora,
Si bien que dans la foule il fait nec plus
ultra.
Ainsi, tous les regards ne portent que sur lui,
Et il n’est pas peu fier de faire des
jalousies.
Mais c’est l’apéritif, et un lapin chasseur
Offre à tous les convives alcools ou bien
liqueurs.
« Non je vous remercie, déclare l’Adonis.
Je ne désire pas m’adonner à ce vice. »
Le père du marié, qui est un peu bourru,
S’approche alors de lui, dit d’un ton
résolu :
« Vous le si beau gaillard, prenez donc
la parole.
Faites-nous un discours. Chantez la
carmagnole ! »
Et, pour ces mots heureux, à chacun
d’applaudir,
Mais le fier n’est pas chaud, et ne veut
consentir.
Pendant tout le repas, tout le monde l’observe.
Il le sent, mais ne sort jamais de sa réserve.
Il rejette l’entrée qui comporte des graisses,
Repousse le colza qui manque de tendresse,
Ne rit d’aucune blague sans en raconter une,
Peste après le cigare, la fumée l’importune,
Avoue sans grands regrets n’avoir aucun ami,
Ou mâle ou féminin, car tout cela l’ennuie.
Et malgré tout cela, une jeune lapine
Admire l’angora, elle la zibeline
Qui n’a Dieu que pour lui, ce si bel Apollon,
Lui, dont un pet sournois s’est coincé au
côlon.
Un pet troublant sa vue, or qu’il fixe la
belle,
Qui le prend comme aveu d’un amour éternel.
Mais hélas le pet sort, et s’il n’est pas
bruyant,
Il ne manque on peut dire d’arguments
odorants.
C’est le genre de pet où tout le monde chante
Que les gosses ont lâché une boule puante.
Ce sont des pets qui n’ont rien de
proportionnel
Entre la quantité et le pestilentiel.
Ces pets dont l’étendue étonne tout le monde
Tant de superficie à la fin ils inondent.
Ces pets qui font que tous questionnent du
regard
Se demandant qui est l’auteur de ce chambard.
Et ces regards sont tous portés sur le voisin
Dans un jeu de suspect où l’on joue au plus
fin.
Le regard du péteur fond donc sur sa voisine,
Cette coup de foudrée vêtue de zibeline.
Si son regard à elle n’exprime que l’amour,
Celui du beau Narcisse est dépourvu
d’humour :
Plutôt se suicider que de dire : Parbleu !
C’est moi qui suis l’auteur du petit pet
véreux.
Et plutôt accuser la jeune romantique
Comme étant l’origine de ce vent de panique.
D’autant que l’assemblée, se bouchant les
naseaux,
Devine que la source de cet affreux fléau
Se trouve entre eux deux : ou bien c’est
l’angora
Ou bien la zibeline que l’on désignera.
Mais, juste à côté d’eux, le père des mariés
A vu que du faux-cul la belle il faut sauver.
Il se lève en lâchant un pet tonitruant,
Se désignant coupable du gaz antécédent
D’un sourire il clapit : « C’est moi
qui emboucane !
C’est moi le Dieu Éole ! Le roi des
pétomanes !
L’âge aidant le sphincter me devient
narcissique,
Et je me spécialise dans l’art du
pneumatique ! »
Or, chacun dans la salle d’ôter son masque à
gaz,
Et les lapins se poilent tout autant que les
hases.
Quelle délicatesse d’un soi-disant bourru,
Sauvegardant lapine d’un sacré
trou-du-cul !
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