A chaque nuit passant une jeune mouette
Levait la tête aux cieux, d’une âme de poète,
Seule rêveuse au cœur de toute une tribu
Qui sévissait alors parmi les détritus.
Elle s’amusait fort des farces de la lune,
Suivant de son éclat les diverses
fortunes :
En faucille d’argent ou en virgule d’or,
Comme un garde posté sur un grand mirador,
Et il advint parfois qu’elle se fit rieuse
Pour l’avoir attendue en des nuits
ténébreuses.
En suivant son parcours elle se demandait
De quel lointain pays la lune provenait,
En quel lointain pays elle allait disparaître,
Qui la verrait mourir et qui l’avait vu naître
Ou de quelle rigueur tenait-elle au soleil
Pour lui courir après par les monts et
vermeils.
Se poser ces questions c’était, toute sa vie,
Devoir se consacrer aux seules poésies.
Elle entendit son coeur soupeser ses désirs
L’un disant de rester et l’autre de partir,
Et un beau soir venu, d’un long mouvement
d’ailes
Elle s’enfuit aux cieux vers la lune nouvelle,
Tenant farouchement cap sur son horizon,
Baignée de la lueur de ses tendres rayons,
Comme un phare donnant aux marins sa lumière
Elle la guiderait au port de ses mystères.
Son voyage dura ; les jours devinrent
mois,
Les plaines et forêts succédèrent aux bois,
Les buttes et les monts devinrent des
montagnes
Et l’horizon lointain de sa vaste campagne
Lui parut chaque nuit toujours aussi lointain
Comme quand l’aujourd’hui ressemble au
lendemain.
« O déésse nocturne, O fille des
ténêbres,
Que mon ame languit et que mon coeur célèbre,
O toi ma désirée, O mon astre inconnu,
Est-il dit qu’ici bas personne ne t’ai
vu ?
Que le chemin vers toi nous soit
inaccessible ?
Que ta divinité tende vers l’intangible ?
Serait-ce donc oiseux de chercher ton
secret ?
Ne peut-on point choisir entre rêve et
concret ? »
Ainsi versait l’oiseau ses larmes poétiques
Vers l’éclat décroissant de l’astre
lunatique.
Et de vaine prière en vaine invocation
La mouette termina une révolution
En retrouvant les siens, après son tour du
monde
- Chose qui lui prouva que la terre était
ronde -
Et qui lui fit songer qu’un sélénite oiseau
Aimant le clair de terre et son ami Pierrot
Pouvait avoir aussi fait le tour de la lune
Leur donnant de ce fait des destinées
communes.
Cet oiseau improbable, elle lui mit un nom,
Lui écrivit des vers ainsi que des
chansons ;
Et chaque nuit passant, cette jeune mouette
Levait la tête aux cieux, d’une âme de poète,
Seule rêveuse au coeur de toute une tribu
Qui sévissait alors parmi les détritus...
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