Dors, paresseux




Surpris dans son sommeil par un bruyant raffut,
Un paresseux s’enquiert de l’objet du chahut.
Il n’ouvre qu’un seul œil, et ne tend qu’une oreille,
N’ayant besoin de plus pour voir qui le réveille.
Et comme il s’aperçoit qu’il s’agit d’un lézard,
Se rendort aussitôt, sans lui donner d’égards.
« Holà ! dit le lézard. Saurais-tu me soustraire
À ceux qui dans ma peau voient de l’alimentaire ? »
« Nous verrons ça demain, murmure l’édenté.
Cache-toi sous mon flanc, et laisse-moi ronfler. »
Blotti dans ce giron inerte et silencieux
Le reptile se dit qu’on pouvait trouver mieux.
Mais il se dit aussi qu’un de ses prédateurs
Saurait bien poireauter, comme tous les chasseurs,
Et qu’ainsi les mots dits par cette fiche molle
N’étaient ceux de quelqu’un qui perdrait la boussole.
Mais, dix-huit heures après avoir ainsi pensé,
Le paresseux pionçait toujours à poings fermés.
Il s’éveilla pourtant, disant d’un ton vaseux,
Qu’il valait mieux attendre encore un jour ou deux.
Comment considérer cette molle indolence,
Cette douce apathie ou cette nonchalance ?
Une tare, un défaut, peut-être un avantage,
Ou bien le résultat des réflexions d’un sage ?
Pour ce lézard passant comme du coq-à-l'âne
Du souffle d’un zéphyr à de la tramontane,
Ce lézard lézardant, mais sachant être vif,
Venait de découvrir le modèle exclusif
D’un être de lenteur remettant à demain
Les projets qu’il eut pu ce jour mener à bien. (1)
Le reptile pensa, quitte à tirer au flanc,
Qu’il devrait imiter cet être fainéant,
Car aucun des chasseurs n’aurait cette patience
De s’avilir autant dans la persévérance.
Alors, il partagea la vie du paresseux,
Tâchant de deviner cet animal curieux.
Il vit ce bon flemmard qui n’aimait pas l’effort
Se suffire du peu en guise de confort.
Lui, ne se déplaçant qu’en gestes léthargiques,
Il était souriant, placide et pacifique.
Le lézard admira cette passivité
Qui recelait en elle autant d’humanité.
Plus tard, en le quittant, lors qu’il dormait encor,
Il le trouva radieux, tout sourire dehors,
Et il se demanda quels songes capiteux
Pouvaient bien enivrer cet être merveilleux.


Le rêve serait-il vaccin de la bêtise ?
C’est la supposition de la fainéantise.
(Au plus l’on rêve, au mieux l’on pense :
Faisons donc confiance à notre inconscience.)

(1) On appelle cela la procrastination,
Où n’est de la prostate aucunement question.

Commentaires