Il est au cours des nuits, dans les champs de
luzerne,
Un insecte pouvant éclairer la lanterne
De quiconque s’étant, par faute de lueur,
Perdu sur les chemins de coupe du secteur.
C’est ainsi qu’un beau jour (enfin, pour la
luciole),
Un têtard demanda de l’aide à la bestiole
Pour qui l’obscurité légitimait le droit
D’imposer l’égaré dominé par l’effroi.
« Je crains, balbutiait-il, ne retrouver
la mare
Sans user des vertus que l’on prête à ton
phare.
Je dois bénir le ciel que mon égarement
M’ait conduit à l’endroit où vit un ver
luisant ! »
On a tous, plus ou moins, des côtés
susceptibles ;
Un propos mortifiant qui nous rend irascibles,
Et l’on sent la fureur l’emporter sur l’émoi
Surtout lorsqu’on est pris pour un autre que
soi.
« Un ver luisant… dit-elle avec dans le
sourire
Un rictus inquiétant qui présage le pire.
Comme j’aime l’humour et ce ton plaisantin,
Tu m’auras sur le dos tout le long du
chemin ! »
Et, montant l’attelage, ils partent dare-dare
Vers ce que le têtard imagine la mare.
Ce n’est qu’au petit jour que celui-ci, vidé,
Se douta que, peut-être, on l’avait truandé,
Car, issus de son dos, lui venaient à
l’oreille
Les bruissements flagrants de celui qui
sommeille.
Il secoue la luciole et se dit outragé
De payer l’éclaireur en tant que passager :
« Ne serais-je tombé, par quelque
maléfice,
Sur le seul ver luisant qui s’endort en
service ? »
« Et moi ! dit la luciole avec l’air
abattu.
Sur le seul des têtards plus bête que têtu ?
Autant te pardonner pour ta creuse caboche ;
Ta mare c’est tout droit, et la deuxième à
gauche. »
On finit par l’aimer celui qu’on égratigne,
Bien qu’il soit dans l’erreur et qu’il
persiste et signe.
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