Une guêpe en déconfiture

En cours d’hivers rugueux, des bourrasques cinglantes

S’abattent sur les prés, les niches et les fentes,

Infligeant leur courroux aux insectes volants

Qui ne sont pas de taille (1) à s’opposer aux vents.

Or, une guêpe, un jour de ces grandes rafales

Se fit prendre au balai des brises hivernales

Et se fit entraîner au dessus de la mer

Pour se voir échouer sur un gros container.

Pendant plus de trois jours, la guêpe eut un asile

Dont la divagation la poussa vers une île,

Où, d’effets de fatigue et d’affaiblissement

Elle chut sur le sable y dormir son content.

Le groupe d’animaux logeant au voisinage

S’en vint examiner la guêpe et son bagage

Et, délaissant l’insecte au profit du caisson,

Voulut en découvrir son lot, sa cargaison.

Malgré tous leurs efforts, la caisse métallique

Préserva son secret de son corps hermétique,

Si bien que dans le clan des chercheurs de trésor

On crut la guêpe avoir la clef du coffre-fort.

Ainsi, pour son réveil, l’insecte eut la surprise

D’être sommée d’ouvrir l’objet de convoitise.

« Hélas ! leur répond-elle en se frottant les yeux.

Je ne sais vraiment pas ce qu’il a de précieux.

Il faudrait découvrir ce que contient la caisse

Pour dire s’il convient d’ouvrir la forteresse. »

Et la guêpe sitôt en partant folâtrer

Découvrit cette brèche où pouvoir pénétrer.

Pendant ce temps, dehors, toute la populace

S’est approchée du trou pour voir ce qui se passe.

On y dépêche un ours pour qu’il y jette un œil ;

Il dit qu’il y fait noir comme dans un cercueil.

L’aigle est alors requis pour veiller l’inconnue

Mais, encore une fois, c’est la déconvenue.

Alors, on prie le lynx de venir écouter

Dans ce chas que la guêpe a bien su emprunter.

Or le félin perçoit un étrange murmure

D’une voix s’écriant : « Des pots de confiture ! »

Il répète la phrase au plus proche d’entre eux,

Et la rumeur s’étend comme le font les feux.

Il s’en suit une émeute où tout le monde espère

Que les pots sont remplis par le fruit qu’on préfère.

On se chamaille un peu, puis naît un quiproquo

Entre ceux désirant la pêche ou l’abricot.

Quand la guêpe surgit, on veut qu’elle témoigne

Pour donner le vainqueur de la foire d’empoigne.

« Hélas ! dit-elle à tous, nous sommes les perdants,

Car les pots sont bien là, mais ils n’ont rien dedans. »

(1) Une taille de guêpe est une taille étroite ;

C’est le genre de mot qu’il fallait que j’exploite.