Voit passer devant lui un spectacle de fête.
Un bon nombre d’enfants, aux yeux émerveillés,
Se pressent devant lui pour voir ce défilé,
Et le dragon se dit, de ses têtes qui
pensent :
« Je vais m’y présenter, prouver ma
compétence. »
Le directeur du cirque est un homme jovial,
Mais il se rembrunit en voyant l’animal :
« Que puis-je donc pour vous, monsieur ou
messieurs dames ?
Vous êtes dans la pub ou bien dans la
réclame ? »
« Je sais faire le clown ! »
dit le latéral droit.
Et faire sa grimace, un nez rouge au minois.
« Je suis cracheur de feu ! dit le
latéral gauche.
Pas besoin d’un dessin, je veux que l’on
m’embauche. »
« Et moi je suis jongleur ! »
dit celui du milieu.
Et sa balle lancer d’un air cérémonieux.
Chacun de ces dragons en quête de finance
N’agit que pour sa pomme et selon sa
conscience.
« Je vous prends tous les trois !
répond le directeur.
Mais je n’en paye qu’un pour trois tiers de
labeur »
Le dragon est ravi, car chacun s’imagine
Qu’à lui, et qu’à lui seul, reviendront les
pralines.
La représentation obtint un franc
succès :
On n’eut, pour le cracheur, pas besoin des
pompiers,
Le jongleur s’en tira de façon magistrale,
Puis le clown fit rire et se tordre la salle.
Si la puce savante eut le droit aux honneurs,
Lorsqu’elle se dispersa parmi les spectateurs,
On applaudit aussi l’éléphant dresseur
d’homme,
La souris trapéziste et la taupe astronome.
En fin de numéro, le directeur, content,
Vient les féliciter, leur présente l’argent,
Ne sachant pas alors qu’en sortant la
quincaille
Il vient d’organiser une belle chamaille.
« Voilà pour toi, vous trois. Je peux
vous dire tu :
Vous faites désormais partie de la
tribu. »
Dit-il en observant chacune des trois têtes,
Dont aucune n’a l’air d’être encline à la
fête.
Alors, comme un seul homme ardent de trois
esprits,
Les deux mains du dragon s’emparent du grisbi,
Face à ce directeur découvrant le problème
De se trouver soudain au centre d’un trilemme.
« Je ne sais qui de toi a tort ou a raison.
Lance-toi un duel pour la
réparation ! »
Lance-t-il au-devant de cette triarchie
Qui semble se douter d’une supercherie
Dont cet homme roublard, qui en semble
l’auteur,
Permet de ramener la concorde en leur cœur.
« S’il s’agit d’un duel, il ne faut
qu’une paire,
Nous te tenons tous trois pour le seul
adversaire ! »
Répondent-ils en chœur au triste scélérat
Qui voulait diviser leur grand triumvirat.
Et l’homme auparavant jouant le matamore
Prend ses jambes à son cou, de peur qu’ils le
dévorent.
L’intérêt personnel ne peut être commun,
Car ce qui nous divise est utile à quelqu’un.
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