Les cieux de l'étoile de mer



Une étoile de mer, un beau soir, à la brune,
Vit monter au lointain son premier poisson-lune.
Elle admire l’éclat fendant l’obscurité,
Mais le jalouse ensuite avec férocité,
En le voyant donner toute sa flamboyance
Dans ces fonds éclairés de sa maigre luisance :
« De quel droit, mon ami, passez-vous dans ces eaux ?
Devant vous je n’ai plus qu’un effet de fluo.
Vous n’êtes, voyez-vous, le seul dépositaire
De la commodité d’allumer la lumière.
Je vous invite donc à prendre vos quartiers,
Et ne venir jamais y remettre les pieds ! »
Ce discours emporté n’eut aucune réplique
De la part du poisson aux rayons magnifiques
Qui semblait se moquer des caprices de star
D’une étoile semblant ne rêver que d’oscars.
Quelques heures après, elle fut réveillée
Par un poisson-soleil en grasse matinée,
Dont l’éclat aveuglant flambait de mille feux ;
Mille feux, alors qu’elle en avait un ou deux.
Il est, décidément, des jours où rien ne chante,
Particulièrement, quand on n’est pas brillante.
« De quel droit, mon ami, passez-vous dans ces eaux ? »
Elle n’a pas fini, qu’il répond aussitôt :
« Quel est donc cet écho qui me gratte l’ouie ? (1)
Ces propos offensants, madame l’astérie,
Ne vous font point honneur, et sachez désormais
Que le poisson-soleil chemine où bon lui plait. »
Et l’étoile de mer se fait toute petite
Face à l’autorité de ces mots explicites.
Pendant qu’elle attendait le coucher du soleil,
Surgit soudainement un poisson arc en ciel.
Attendu ce qu’était sa dernière expérience,
Elle se dit devoir redoubler de prudence,
En laissant au poisson le soin de s’exprimer,
Quitte à ce que ses mots puissent l’enquiquiner.
Mais, hélas, l’arc en ciel, poursuivant son voyage,
La double sans la voir ni l’ouïr d’avantage,
En laissant cette étoile à ses propres questions ;
A savoir : ne serai-je un pauvre tartempion ?


Quand on est moins que rien et qu’on ne le sait pas,
Il faut bien se douter qu’un jour on l’apprendra.

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