L'écureuil volant



C’était un polatouche, un écureuil volant,
Vivant au fond d’un nid d’où, ses noix amassant,
Il se constituait une sorte d’épargne
Qu’il défendait farouche, avec haine avec hargne.
Qu’un banal écureuil ouvre son livret A
N’a vraiment d’intérêt que seulement s’il a
L’ambition de gérer sa maigre économie
En père de famille et toute bonhomie.
Mais l’écureuil volant n’en est pas un banal,
Surtout lorsqu’il n’a d’yeux que pour son capital.
Sachez qu’il attendait les époques de manque
Pour ouvrir au marché sa réserve de banque.
Avec l’air désolé qu’affiche le vendeur
En désignant l’écran de son ordinateur,
Il disait :  « Achetez ! Je vous le recommande.
Je ne fais pas les prix. C’est l’offre et la demande. »
Et cet ait désolé se changeait chaque soir
En sourire béat de qui voit son avoir
Prendre des proportions presque déraisonnables,
Mais qui veut désormais les rendre intolérables.
Les nantis n’ayant pas de principes moraux,
Il se foutait du sort des autres animaux :
« C’est, leur répétait-il, le fruit de mon courage,
Car je mets dans l’effort tout mon cœur à l’ouvrage. »
Alors que le noyer dont il parlait du fruit
Était le seul du bois à lui fournir gratuit. (1)
Or, la chance un beau soir démontra sa rancune,
Décimant d’un éclair son noyer de fortune,
Partant, le lendemain, s’en fut sur le marché
Un écureuil volant geignant d’être fauché,
Et n’ayant pas prévu le moindre parachute
Pour amortir sa peine ainsi que sa culbute.
Quelqu’un lui répondit du fond de son grenier
Qu’on ne met pas ses œufs dans le même panier.

(1) S’il ne fallait qu’un pas pour aller à la plage
Chacun disposerait des talents de la nage.

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