Le vrai faucon



Le faucon tournoyait avec grâce et patience, (1)
Espérant d’un mulot la moindre défaillance
Pour fondre sur sa proie et venir l’enserrer,
Tout en décourageant qui voudrait s’insérer.
Or, en ce jour pluvieux, la vue est différente,
Et la chasse devient presque désespérante,
Si n’était qu’il croit voir au beau milieu du champ
Un petit campagnol qui lui semble alléchant.
Le falco pousse alors un bon cri de crécelle, (2)
Et part voir sur-le-champ ce que le champ recèle…
Une taupe bigleuse essaye ses lorgnons
Afin de repérer parmi les champignons
Ceux qui sont vénéneux, ceux qui sont comestibles,
Ceux qui n’ont pas de goût, ceux qui sont digestibles,
Sans savoir qu’un rapace est en train d’arriver,
Et qu’un des champignons pourrait bien la sauver.
« Ki-Ki ! » fait le faucon, découvrant sa gourance,
Car il n’a pour la taupe une forte attirance
En matière de goût, de fumet, de saveur :
De pisse, les relents jouent en sa défaveur.
Le voilà qui s’excuse et, d’embarras, de gêne,
Désigne un champignon top hallucinogène :
« C’est ce que je cherchais, ment-il du mieux qu’il peut.
Me serait-il permis d’en prendre un petit peu ? »
« Certes. » répond la taupe en cachant son malaise
Et son étonnement que ce dernier lui plaise.
Dans ce moment de honte, un léger flottement
Laisse passer un ange et son toussotement.
Mais, passé cet instant, dans le but méritoire
Que la taupe bigleuse avale son histoire,
Le rapace se croit obligé d’avaler
Un bout de champignon afin de l’égaler.
Avouer que l’effet fut bien plus que rapide
Ajoute au détriment de ce faucon stupide
Qui confondit la taupe avec un gros rongeur
Et se jeta dessus d’un coup de bec rageur.

(1) Le faucon peut rester dans un vol stationnaire
Appelé Saint-Esprit pour son peu d’ordinaire.

(2) Le falco, c’est le genre, et son cri de crécelle
Donne l’appellation du faucon crécerelle.

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