Le tiers condor






Outre qu’il était las de son effort fourni,
Le condor n’avait pas encor trouvé de nid
Où pouvoir s’affaler après ces jours de veille,
Lorsqu’il se retrouva devant une corneille.
« Étranger, que veux-tu ? Que viens-tu nous voler ? »
Demanda la corneille avec son franc-parler.
« Je ne suis qu’un oiseau d’ailes itinérantes,
Qui cherche le repos des places apaisantes. »
La corneille trouvant ce lieu de réconfort,
Lui désignant l’endroit, lui dit : « C’est là condor ! »
Et s’en fut d’un bon vol au fond de la clairière
Rapporter sa version à toute la chaumière.
Au matin, délassé par un sommeil plaisant,
Le condor découvrit à son étonnement
Deux corneilles en couple, aux âmes belliqueuses
L’entourant poings fermés de leurs vues suspicieuses.
La femelle crailla (1) : « Libère nos enfants ! »
Le mâle s’exclama : « Rends-moi ma brosse à dents ! »
Le condor fut surpris, n’en croyant ses oreilles,
Mais il le fut, des trois, bien moins que les corneilles :
« Les enfants sont aux bois. » dit le mâle, étonné,
En lançant vers sa femme un sourcil incliné.
 « Et toi, ta brosse à dents traîne dans la cuisine,
Entre la confiture et le sac de farine ! »
« Tu pourrais éviter de donner des leçons
Quand tu laisses traîner tes slips et caleçons ! »
« Tiens ! Voilà que Môssieur s’excite à mon affaire, 
Alors qu’au lit, Môssieur, ne peut me satisfaire ! »
« Cet acte sexuel, j’y viendrais aussi sec
Si deux trois fois par an tu te lavais le bec ! »
« C’est donc ça la raison ? murmura la femelle.
Je croyais sottement que je n’étais plus belle. »
« Mais belle, tendre coeur, vous le serez toujours,
Ainsi que vous l’étiez en nos premiers amours.
Et de tout temps, bichette, il faut bien le comprendre,
Vous serez mon soleil sur la carte du tendre. »
« Vous me faites rosir, inlassable charmeur.
Vous trouvez bien les mots qui chavirent le cœur.
Retournez donc au bois pour chercher nos marmailles,
Et moi je file au nid pour me laver les chailles. »
Chacun s’en fut alors accomplir son devoir
Sans donner au condor un signe d’au revoir,
Et cet oiseau se dit, sans être psychologue,
Qu’il fallait être trois pour former un dialogue.

(1) Oui, selon la douleur, certains oiseaux criaillent.
Mais là c’est différent, car les corneilles craillent.



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