Un crotale au surnom de serpent à sonnettes
Se trouvait dans un champ et scrutait les
lunettes
De son ami cobra (1) qui, d’un air entendu,
Semblait l’encourager pour un compte
rendu :
« Pas
plus tard qu’aujourd’hui, déclara le crotale,
Alors que je voulais apaiser ma fringale,
Je vois passer un ours poursuivant un lapin
Depuis longtemps déjà mis sur mon calepin.
Je n’allais ni laisser un tel vol se commettre
Ni laisser cet intrus souiller mon périmètre.
Alors, sans hésiter, j’agitais mon bruiteur,
Ce qui fit aussitôt s’affoler le
chasseur. »
Heureux de raconter de pareilles sornettes,
Le crotale attendait du serpent à lunettes
Un geste approbatif, le signe d’un rampant,
Pour s’être comporté comme un brave serpent.
Cependant le cobra rajustait ses montures,
Comme s’il attendait deux ou trois aventures
Avant de décider, en son for intérieur,
S’il donnerait crédit aux récits du menteur.
Croyant n’avoir pas su paraître remarquable,
Ce dernier aussitôt remet donc sur la table
Deux fables dont il sait l’effet persuasif,
Même sur le public le plus dubitatif.
(Il décide, de plus, en contant ses histoires,
De les enjoliver de quelques accessoires.)
« Alors ? demande-t-il à la fin du
narré
Ce récit, mon cousin, vous a-t-il inspiré ? »
N’obtenant pas d’écho du serpent à lunettes
Il se met à jouer le tocsin de sonnettes,
Mais l’autre n’entend rien au bruit de ce clapot,
Car en plus d’être myope, il est sourd comme
un pot. (2)
Il faut tourner trois fois sa langue dans la
bouche
Pour voir si son public en tient plus d’une
couche.
(1) Le cobra, le naja, c’est du pareil au
même,
Les lunettes étant leur principal emblème.
(2) En fait, tous les serpents sont de
parfaits sourdingues ;
Ce qui fait de la fable une histoire de
dingues !
Faire parler la bête est chose cohérente,
Mais pour la faire entendre il faut bien
consentante.
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