Le serment d'hippocampe



Au fond d’un aquarium, un coquin d’hippocampe
Rêvait depuis trois jours pouvoir tirer sa crampe.
Provenant d’une race où le mâle est enceint, (1)
Il préférait sans doute éviter un oursin,
« Le mieux, se disait-il, serait un coquillage
Me faisant le plaisir d’ouvrir son carrossage. »
Or, survient un mollusque, une moule au final,
Qui pouvait résorber sa fièvre de cheval,
En voulant bien ouvrir un coin de sa membrane
Afin que l’hippocampe y glisse son organe.
Restait à la convaincre à donner ses accords
Pour cet acte charnel que l’on nomme rapports.
 « Salut ! » lui fait-il signe avec dans le sourire
Tout sauf les sentiments que l’hormone désire.
« Salut ! » répond la moule à cet air trop galant
Pour ne pas être en fait un peu trop indécent.
S’en suit une causette où l’on se congratule
De ne pas être seul au fond de la cellule.
« Mais dans cette prison, la solidarité
N’ira jamais plus loin que la fraternité. »
Conclut alors la moule avec cette ironie
Qu’ont ceux qui n’ont de cœur pour ceux dans l’agonie.
« Allons ! dit l’hippocampe, en voyant son espoir
Semblant mettre les bouts pour lui dire au revoir.
Te faire un doigt de cour, m’est-il encor possible
Pour caresser l’espoir de te voir accessible ? »
« Ça dépend de quel doigt tu souhaites caresser.
Il me faut le serment de ne pas t’empresser. »
Ne pouvant lui servir qu’un serment d’hypocrite,
L’hippocampe, un peu con, lui jura sur sa bite,
Et la moule lui dit qu’elle acceptait sa cour,
Afin de découvrir ce platonique amour.
Mais au cours d’une nuit une panne de lampe
Permit d’enfin crever l’abcès de l’hippocampe.
S’approchant de la moule, en taisant son soupir,
Il passa par derrière y frotter son désir.
Or, par un coup de chance, elle était entrouverte,
Et sa queue se fourra dans la membrane offerte.
Une queue de cheval ? Une queue de poisson ?
Seule la moule a vu l’objet sans caleçon.
Elle est, de plus, en droit de douter des promesses
De qui jure de cœur et qui rêve de fesses.

(1) C’est une rareté, si ce n’est une erreur,
Cette race où le mâle est le père porteur.

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