Il était un flamant qui vivait au vallon,
Mais qui se sentait seul de n’avoir compagnon
Avec qui partager des paroles subtiles,
Afin de converser et d’enrichir son style.
On disait qu’au-delà vivaient d’autres
cultures,
Un champ inexploré, prometteur d’aventures.
Le flamant s’envola, en quittant son vallon,
Des rêves et des espoirs comme seul baluchon,
Et gardant à l’esprit que dans ce plat pays
Il ne pouvait tomber qu’en territoire ami.
Aux termes de son vol, il trouva un flamant,
Faisant le pied de grue sur les bords d’un étang.
Et, en s’imaginant de s’en faire un complice,
Il lui parla pays dont il était le
fils.
Mais il eut l’impression de parler à un mur,
Avec un vis-à-vis semblant d’oreille dur.
« Je ne te comprends pas, car nous ne
connaissons
Un flamant comme toi qui parles du vallon.
Tu jactes ton patois, mais sache que pas moi,
Car moi comme pas toi, je jacte mon
patois ! »
Lui dit cet indigène au langage tranché,
Qui semblait pour le coup être vraiment fâché.
Comme on ne s’entendait en parler maternel,
Il fallut rebâtir une tour de Babel
D’où naquit un langage à moitié
biscornu :
Mi-flamant
mi-vallon, mi-tohu mi-bohu,
Dont peu de temps après il fallut convenir
Qu’il était trop simplet pour pouvoir
discourir.
Le flamant du vallon en fut le plus meurtri.
Ses espoirs d’autrefois se
brisant il se dit :
« Moi qui rêvais de mots, d’échanges gratinés,
Nous ne discutaillons que de plats cuisinés.
Sa préférence c’est : pommes de terre
frites,
Tandis qu’en mon vallon, ce sont les moules
cuites.
Je me demande bien si tout ça est sérieux,
Et servira un jour à nos futurs aïeux.
J’ai perdu trop de temps si loin de mon
vallon.
Je lui fais mes adieux, et rentre à la
maison. »
Depuis, au plat pays peu de choses ont changé.
Les Wallons et Flamands vivent de leur côté,
Les moules maintenant s’accompagnent de
frites,
On s’entend au besoin, parce qu’on cohabite.
Je n’ai aucun reproche à faire à la Belgique,
Mais à ceux militant pour la pensée unique,
En voulant pour cela imposer leur langage,
Je dis : voilà assez de ces enfantillages !
Admettre que chacun garde son franc-parler,
Est l’unique discours que je puisse approuver.
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