Un buffle devisait avec un bon ami :
« Vois-tu, lui disait-il, ces chasses
organisées
Ne sont en vérité que chasses au trophée.
Les hommes en pendant nos cornes à leurs murs
Espèrent que leurs meufs les prennent pour des
durs.
Ils doivent se vanter en contant des histoires
Où s’efface leur peur, mais où brille leur
gloire.
Nous sommes un remède à leur fragilité,
Un remède, mon vieux, qui n’est pas
remboursé. »
« Si je te comprends bien, lui répond
l’autre buffle
C’est le cran que j’évoque et que je leur
insuffle
Qui donne du cachet à leurs appartements,
Puis je suis le cachet ou le médicament
Qui soigne ces crétins à l’âme complexée,
Déboursant un cachet pour avoir mon
trophée ? »
« C’est un bon résumé qui joue bien sur
les mots,
Mais qui ne permet pas de jouer sur leurs
maux. »
Ainsi devisaient donc ces buffles comestibles,
Mais à trop deviser on devient une cible,
Car parvint à leur flair cette terrible odeur
Que toute proie connaît quand viennent les
veneurs ;
Peur qui leur intimait de courir au plus vite
Pour échapper aux plombs de ces tireurs
d’élite.
« Il est temps désormais de partir se
cacher,
Si nous ne voulons pas finir en steak
haché ! »
Et tous deux de s’enfuir à pattes galopantes,
Avec l’air comprimé (1) de qui a la courante.
Il fallut aux chasseurs entre les deux
choisir,
Et le premier devint l’objet de leur désir.
Les chevaux d’un moteur arbre à cames en tête
Rugirent des pistons pour traquer leur
conquête,
Et ce combat sans gloire on put le comparer
À ces combats de boxe entre lourd et léger.
On ajusta le tir d’un nouveau millionnaire
Qui pressa la gâchette en fermant les
paupières,
Et qui, en les rouvrant, vit alors s’écrouler
Ce buffle deviseur dont il avait rêvé
S’offrir un steak à point de sa viande
sauvage,
Ce qu’il fit dès le soir de retour au village.
La morale, lecteur, est un ancien
refrain :
Rien ne sert de courir s’il faut finir à
point.
(1) Comprimé pour cachet, ou encore pilule,
Bien qu’on ait des sachets, et même des
gélules.
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