Ayant depuis longtemps déserté son école,
Une chèvre s’était éprise d’une idole
Qui charmait son public par sa voix de velours
Et ses chants célébrant le beau temps des
amours.
Allongée sur son lit, elle chantait nanère,
En rêvant au succès dans sa folie bergère.
Or, elle apprit un jour que le grand bouc
voisin
Venait de s’acheter un magnifique engin ;
Engin du dernier cri, même pour les voix
douces,
Qui fabriquait des stars en se roulant les
pouces.
« Veux-tu que nous faisons (1) cet air en
couple uni ?
Je m’entraîne en chanson pour « Cabri
c’est fini ».
Demande le grand bouc, disons qu’il le
susurre,
Pensant qu’il va trouver un moyen d’ouverture.
« C’est clair, répond la chèvre, en
poussant un soupir.
Ton magnifique engin va combler mon désir. »
(2)
Et le parahoquet démarra sa rengaine
Qu’ils reprirent en chœur de semaine en
semaine,
En s’amusant d’abord de leur air amateur,
Puis en croyant plus tard dépasser le
chanteur.
Les désirs du grand bouc tendant à faire un
gosse,
Au bout de quelques mois, la chèvre devint
grosse.
« Plus question, dit le bouc, que nos
voix de velours
Aillent se présenter dans le prochain
concours. » (3)
« C’est clair. » béguète-t-elle, en
réponse facile
De qui n’accepte pas qu’on le sache imbécile…
Quelques années plus tard, leur beau cabri
devint
Le porteur des espoirs qu’ils avaient faits en
vain.
Le laissant se nourrir d’un bouillon
d’inculture
Ils donnaient à leur fils comme unique lecture
Cette ancienne chanson qui les avait un jour
Unis dans un bonheur d’où s’effaçait l’amour.
C’était une façon presque désespérante
De vouloir à tout prix gagner la consolante.
Quand le biquet s’inscrit dans ce concours
moisi,
On lui dit que son titre, il l’avait bien choisi.
(4)
Il reprit le chemin menant à la chaumière,
Et n’eut que des remords durant sa vie
entière.
Lorsqu’on a des parents qui sont un peu cinglés,
Les fils de nos destins sont déjà bien réglés.
(1) Ne vous en faisez pas, c’est faute
volontaire :
Je me gausse de ceux manquant de savoir-faire.
(2) C’est le genre de mot que tout mâle excité
Prend au pied de la lettre avec lubricité.
(3) Entre nous, n’est-il vrai qu’il faut être
fêlé
Pour vouloir, fut-ce un jour, passer à la
télé ?
(4) Je rappelle au lecteur qui serait désuni
Que le titre occurrent est : « Cabri
c’est fini ».
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