Pochetée (1) de pélican



Jusqu’alors, dans sa vie, un jeune pélican
N’avait à déplorer aucun emmerdement :
Il mangeait à sa faim, et partageait les restes,
Il avait du renom, mais le succès modeste,
Et l’esprit assez fin, par son éducation,
Pour donner des avis et faire l’opinion.
Muni de ces atouts, il obtint une place
Dans un conseil garni de gens fort peu loquaces
À qui l’on présentait une affaire de vol,
Mais regardaient ailleurs en se tordant le col.
Le plaignant, s’étant fait vider deux fois la poche,
Demandait un moyen d’éviter l’anicroche.
Au regard des aînés, il semblait évident
Qu’ils attendaient l’avis du jeune pélican.
Celui-ci dont j’ai dit qu’il la jouait pépère,
Eut soudain l’anxiété de traiter une affaire ;
Pour se faire mousser, il parla répression,
À l’endroit où les vieux auraient dit prévention…
Le malfaiteur fut pris, mais c’était une aigrette.
Alors on fit la chasse à toutes les aigrettes.
Un autre vol commis par un petit héron
Fut aussi le début de la chasse aux hérons.
Puis ce fut les flamants, précédant les bécasses,
Et la guerre on se fit pour remplacer la chasse.
Les pélicans voleurs furent tous libérés
Pour militariser le clan des offensés.
Avec un jeune con présidant à leur tête,
Et comme généraux de simples malhonnêtes,
On eut le résultat sur lequel peut compter
Un conseil qui la ferme au lieu de contester.
Lors d’un conseil suivant, la troupe de vieux sages,
À qui l’on présentait un autre chapardage,
Voulut que le plaignant fasse coudre un bouton
Au dessus de son bec, pour garder ses poissons.


Si jeunesse savait, elle dirait aux vieux
Que vieillesse pourrait la superviser mieux.

(1) Personne maladroite, idiote et demeurée.
C’est la définition pour une pochetée.

Commentaires