Le tapir blanc



Une légende inca nous dit qu’un tapir blanc
Est gardien d’un trésor enfoui depuis longtemps
Au cœur d’une forêt, épaisse, inaccessible,
Où se rendre est permis, revenir impossible.
Un puma, cependant, se moquant du danger,
Fut chargé par ses pairs de partir vérifier
De ce brave tapir, effective présence,
Ainsi que du trésor, probable vraisemblance.
Or, notre plantigrade, entamant son parcours,
Comprend dès le départ qu’il faut chercher recours
Auprès d’un habitant de cette jungle obscure,
Dans laquelle il se sent gêné aux entournures.
En fait, ce ne fut lui qui trouva le sherpa,
Puisqu’un curieux python soudain se présenta.
Ses huit mètres de corps présentaient un barrage
À quiconque voulait progresser davantage.
« Tiens ! dit-il au puma. Un chercheur de trésor
Qui escompte ma guise en fait de passeport.
Par anticipation j’accède à ta demande
Pour s’en aller chercher ton tapir de légende. »
« S’il s’agit d’une histoire, et qu’il n’existe pas,
Où vas-tu m’emmener ? » demande le puma.
Et le serpent sourit, sans donner de réponse,
Puis, ouvrant le chemin, dans la jungle s’enfonce.
Si le convoi fut long, il fut aussi radieux,
Car personne ici-bas ne semblait belliqueux.
Comme si la nature, orchestrant à la vie,
Ordonnait de jouer d’une seule harmonie ;
Comme si l’équilibre entre les instruments
Donnait à tout le monde une part dans le chant,
Et comme si chacun, produisant sa musique,
Le faisait de concert, d’un accord poétique.
Dans cette mélopée, enivrante de sons,
Toute la canopée entrait en diapason,
Et lorsque le puma fut charmé par sa lyre,
Le python décida qu’il devait en suffire.
Il lui fit découvrir un drôle de loustic
Dont le déguisement pour tromper son public
Consistait en un masque allongeant le visage,
Ainsi qu’une peinture éclairant son pelage.
Ému par cette arnaque et sa grossièreté,
Le puma ne voulut tout à fait se fâcher :
« Voici donc le gardien d’un trésor illusoire !
C’est ma faute pourtant si j’ai cru cette histoire.
Dois-je la révéler auprès de mes amis,
Ou alors, au contraire, en propager le bruit ? »
« C’est à toi de choisir en ton âme et conscience.
Lui répond le serpent. Mais n’oublie pas la chance
Qui s’ouvre devant toi de rester en ces lieux
Pour aider le tapir à se déguiser mieux.
Notre trésor, ici, c’est la seule nature ;
Il faut, pour la garder, poursuivre l’imposture. »


Au plus on est mauvais en contant son histoire,
Au plus on sera sûr qu’au moins on peut y croire.

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