À ceux dont ses cochons ne disaient rien qui vaille,
Un loup qui exerçait métier de charcutailles
Traitait avec dédain par le côté jardin,
Mais par le côté cour faisait moins le malin.
« Comparer une viande à celle du cochon,
C’est comme comparer les serviettes et torchons.
Que peut-on reprocher aux porcines barbaques ? »
Se demandait le loup, un peu paranoïaque.
D’oncques il rechercha parmi son entourage
Un loup qui put trouver le sens de cet outrage.
« Que dois-je demander ? » s’inquiéta
l’inspecteur.
« Demande quelle chair attire leurs faveurs.
J’aimerais bien savoir, parmi les carnivores,
Pourquoi l’on goûte peu à la viande de porc. »
Dès son premier client, l’inspecteur découvrit
Qu’il avait mis les pieds dans un drôle de nid :
« Moi j’aime le lapin, mais j’aime le cochon,
Un peu plus que l’agneau, mais moins que le mouton. »
« Le porc le vendredi, et le poisson parfois.
Tandis que le cabri, c’est une fois par mois. »
« Le mouton au dîner pour se donner du punch ;
On mange le cochon seulement pour le lunch. »
« Dix-sept pour cent d’agneau, et un quart de légumes.
Et le tout allégé avec quelques agrumes. »
« Je mange de la viande en toutes circonstances,
Et le rutabaga en plat de résistance. » (1)
Voilà ce que la meute eut à lui révéler,
Bien que l’on put douter de son honnêteté. (2)
Ainsi, le loup marchand resta sur le carreau
D’avoir voulu creuser dans l’âme du troupeau.
« Abruti !
s’écria ce vendeur de cochons,
Dont le boulot tenait à faire des jambons.
Tu leur as demandé ce qu’ils ont dans le ventre,
Et tu n’as même pas mis le cochon au centre.
Si tu cherches ton dû, il faut que tu reviennes
Avec pour résultat celui qui me convienne ! »
Et l’inspecteur chargé de mets gastronomiques
Fit alors déguster à la meute hérétique
Les bienfaits du rôti tout en leur demandant
S’ils étaient satisfaits ou alors mécontents.
On reconnut, bien sûr, que c’était un délice ;
Qu’on n’avait pas après besoin de dentifrice,
Et que si chaque jour le sondeur repassait
On en dirait du mieux, et redemanderait.
Le sondage n’est pas reflet de l’opinion.
Il dépend seulement de la formulation.
Et sa seule importance est la confirmation
Qu’en attend le client qui paye les questions.
(1) Ce légume racine, en mauvaise pitance,
Qui fut durant la guerre un plat de résistance.
(2) Si les humeurs changeantes expliquent bien de choses,
Il est vain d’essayer d’en connaître leurs causes.
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