Le chat et le tigre (ou le chatigre)






De son cousin le tigre un chat voulut apprendre
Tout le vocabulaire à façon de l’entendre ;
L’autre considéra avec bonne attention
La demande inédite et fit l’éducation,
De manière à traduire dans sa langue natale
Les miaulements du chat de façon littérale.
Au bout de quelque temps de ces leçons tigresses
La belle admiration se mua en tendresse ;
Encore un peu après de ces cours la dispense
La tendresse devint de la condescendance ;
Au fur et à mesure que le chat s’instruisit
Les sentiments du tigre se muèrent en mépris ;
Le mépris ne tarda à devenir dédain,
Puis commisération lorsqu’approcha la fin.
D’autant que notre chat avait fait des prouesses,
Mais sans pour autant s’être imprégné des richesses
De la langue du tigre, de ces subtilités,
De ces petits détails qui font la primauté,
Et dont le grand cousin se gardait en réserve
Par peur ou jalousie (1) qu’un jour le chat s’en serve.
Voilà donc cher lecteur, toi qui apprends l’anglais
À quoi il faut t’attendre quand tu vas discuter.
Lorsqu’un Anglais dira ; « Oh, you speak very well ! »
Ne crois pas au retour de la tour de Babel. (2)

(1) Sentiments xénophobes reliés à l’instinct
Des animaux primaires qui luttent pour la faim.

(2) Tentative des hommes à unir leur langage
Pour bâtir une tour dont Dieu (3) fit un saccage.

(3) Diviser pour régner est une loi divine
Inventée par les hommes pour l’user en sourdine.


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